Paris, Ecole des Mines : Séminaire 2004-2005 : La sécurité routière comme objet de science et de politique


Compte rendu du séminaire Mines du 16 février 2005

Séminaire « Sécurité routière comme objet de science et de politique », École des Mines de Paris, 16 février 2005.

Retours

Cette quatrième séance a été l’occasion d’effectuer des retours sur deux recherches sociologiques ayant trait à au risque routier.

Luc BOLTANSKI, « Les Usages sociaux de l’automobile : concurrence pour l’espace et accidents », Actes de la recherche en sciences sociales, n°2, 1975, pp. 25-47. L’auteur est revenu sur le contexte de production de son article rédigé en 1973. Il a souligné à la fois son état d’esprit du moment - un intérêt pour la voiture - et l’investissement symbolique dont l’automobile était l’objet dans cette première moitié des années 1970. Il montre comment son questionnement d’inspiration gaufmanienne s’inscrivait, par son traitement, dans la lignée de Bourdieu : comment des personnes, issues de différents espaces sociaux sont plaquées sur un même espace physique, superposition à laquelle est ajoutée une dynamique de classes sociales. Et c’est cette lutte des classes qui rend l’article aujourd’hui, pour partie, obsolète. Luc Boltanski explique à ce propos qu’il s’agit d’une marque du cadre théorique dans lequel il œuvrait à l’époque. Cette remarque vient aussi éclairer le fait que les instances politiques n’ont pas été interrogées, alors que la sécurité routière est en pleine visibilité médiatique : l’intérêt se portant sur la « réalité », à laquelle les décideurs et les lois n’étaient considérés appartenir.

Didier Torny, « Mon corps est-il une bagnole ? Socio-fiction assurantielle », Revue française des Affaires sociales, vol. 49, n°4, oct.-déc. 1995, pp. 66-77 Didier Torny revient, lui, sur un travail issu de sa recherche de DEA. Il présente les époques de prise en charge juridique de l’accident de circulation définies par François Ewald [François EWALD, L’Accident nous attend au coin de la rue. Les accidents de la circulation, histoire d’un problème. Étude de sociologie juridique, Paris, la Documentation française, coll. « Ministère de la justice », 1982, 162 p.].
-   1883-1914 : L’accident est exceptionnel. Une discussion sur l’extension du principe de responsabilité à l’œuvre dans le cas de l’accident du travail se met en place ;
-   1919-1958 : Alors que l’on observe une démocratisation relative et une valorisation patriotique des automobiles, le traitement des accidents est normalisé, se pose alors le problème de la solvabilité des responsables, soulevant un questionnement sur l’obligation de l’assurance et la mise en place de fonds de garanties ;
-   1958-85 : L’assurance, obligatoire à partir de 1958, se présente sous la forme d’un service public et tente de se constituer un droit des accidents. Didier Torny ajoute la date de la loi Badinter pour clore le mouvement décrit par Ewald. 1985 marque le passage d’un problème de responsabilité à un problème d’assurance ; la question des accidents est socialisée. Du constat à l’accident, le choix est fait de la simplification au détriment de l’examen juridique de la responsabilité. Pour ce faire, l’attention se focalise sur les conducteurs, non pas sur les causes. La règle du bonus-malus vient ajouter une dimension individuelle à celle populationnelle de l’assurance. Le dispositif assurantiel est ainsi à la fois standardisé et individualisé. Pour conclure, Didier Torny souligne l’effacement de l’accidentologie au sein de dispositif. Alors que les organismes de prévention, dont l’État, insistent sur la multifactorialité des accidents, le traitement assurantiel n’entre pas dans les mécanismes. Et si les assurances intègrent une dimension préventive, elle se manifeste sous la forme d’une incitation économique. Mais il ne s’agit pas de contribuer à une diminution du risque routier, mais plus précisément de réduire les dommages.

C.P.


Dernière mise à jour le mardi 8 mars 2005.

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