Journal de recherche


Compte rendu du séminaire Mines du 16 mars 2005 - Les statistiques de sécurité routière

Le 28 avril 2005, par Camille Picard

Compte rendu du séminaire Mines du 16 mars 2005 Sécurité routière comme objet de science et de politique Les statistiques de la sécurité routière.

Béatrice BARRACHET, Responsable d’étude statistique à la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) : Les différentes approches statistiques en assurance automobile.

Béatrice Barrachet répartit en trois catégories les études statistiques en assurance automobile. Des enquêtes conjoncturelles, trimestrielles et annuelles, sont réalisées par la FFSA auprès de ses adhérents, soit sur 72 à 85 % du marché national. La Fédération fournit aux sociétés d’assurance des analyses sur l’évolution du marché : des informations générales sur le parc assuré, la fréquence des sinistres, leur indemnisation. Les statistiques rendant compte de la sinistralité diffèrent de celles de l’ONISR. En effet, les assureurs répertorient comme sinistre corporel toute blessure due à un accident validée par un médecin-expert. Les statistiques techniques basées sur les états comptables réglementaires de l’ensemble du marché national envisagent, en particulier, le coût des sinistres corporels dans la durée. Béatrice Barrachet souligne la récente explosion des sinistres de grande importante financière, de plus de trois millions d’euros. Cette explosion s’expliquerait en partie par de nouvelles jurisprudences comme la prise en charge des « tierces personnes » (s’occupant des personnes accidentées) ou la reconnaissance d’un préjudice sexuel. Les statistiques structurelles cherchant à estimer le coût théorique du risque sont issues d’enquêtes réalisées par l’institut SOFRES sur commande de la FFSA, du Comité des constructeurs français de l’automobile (CCFA), de l’INRETS, de Peugeot, etc. sur l’usage des véhicules (nombre, déplacements, ...) d’où l’accidentologie est exclue. Ces sondages ne servent pas à établir une tarification. En revanche, le fichier des victimes indemnisées (AGIRA) mis à disposition du public (loi Badinter du 5 juillet 1985) sert de référence aux sociétés d’assurance pour fixer l’indemnisation. La FFSA analyse également ces données afin de mesurer l’inflation de l’indemnisation, à gravité égale.

Stève BERNARDIN, doctorant en sciences politiques, RIVES-ENTPE et université Paris I : L’interministérialité simulée. Regard ethnographique sur le travail de production des statistiques publiques de sécurité routière.

Stève Bernardin a présenté une réflexion issue de son travail de DEA. Il étudie l’activité de production de données statistiques publiques sur les accidents automobiles. Il rappelle que les statistiques font l’objet d’une publication officielle depuis plus d’un demi-siècle. Celle-ci expose dès ses débuts d’importantes difficultés liées à la nécessité d’une coopération interministérielle. Le recueil de l’information fait en effet intervenir les agents des Ministères de la Défense et de l’Intérieur, juste après la survenue des accidents, alors que la centralisation des données statistiques s’effectue au sein de l’Équipement. Une première analyse tendrait à montrer que l’activité de récolte de l’information est considérée comme trop fastidieuse par les agents des forces de l’ordre. Selon Stève Bernardin, une approche de sociologie interactionniste permet quant à elle de saisir des perceptions différentes du travail de production de données. En résumé, les agents des forces de l’ordre intègreraient l’activité de recueil de l’information au sein d’un travail plus vaste de gestion sur la durée du deuil des familles. Le discours de légitimation de ces acteurs porte sur la « dimension humaine » de la prise en compte de l’accident, par ailleurs revendiquée par les associations de victimes et véhiculée par les médias. Cette représentation « sacrée » de l’accident grave s’ajouterait quotidiennement aux demandes locales des Parquets souhaitant désengorger les tribunaux. Au final, seuls les accidents les plus graves sont parfois recensés. Cela participerait à la sous-représentation des accidents légers. Nombre de contrôles et de corrections sont dès lors nécessaires pour produire la représentation statistique nationale. L’opération nécessite un délai de six mois. Pourtant, certains Préfets font part de chiffres mensuels dans un laps de temps bien inférieur. Dans ce cas, il est demandé aux agents des Directions Départementales de l’Équipement de produire des données « cohérentes » avec celles diffusées au niveau préfectoral. Deux « mondes sociaux » disposent ici de sources de données différentes. Et alors même que les spécialistes du Ministère de l’Équipement exploitent un matériau pour nourrir des analyses structurelles, les agents des forces de l’ordre souhaitent des données plus visiblement opérationnelles pour l’action immédiate. L’intervention se conclut sur les apports théoriques de l’école de Chicago, discutés par Jean Orselli à l’aune de la sociologie des organisations.

Emmanuel DIDIER, chercheur au CESDIP-CNRS : Les indicateurs de la Préfecture de Police de Paris. En matière de sécurité routière : des statistiques bien méprisées.

Emmanuel Didier poursuit le questionnement abordé par Stève Bernardin sur le rôle des statistiques. Il rend compte d’un travail sociologique en cours sur la Préfecture de Police de Paris. En 2001, le Préfet Jean-Paul Proust a introduit à Paris le modèle de gestion new-yorkais, dit Compstat. Ce système se base sur l’évaluation hebdomadaire des résultats des commissariats au Préfet. Les chiffres, issus non plus des BAC mais des procès verbaux, sont envisagés comme des outils de management. Les patrouilles rendent compte de leurs activités par des fiches dont une grande partie des entrées sont consacrées aux questions de circulation. Ces fiches sont remises au supérieur hiérarchique qui confectionnent à partir de celles-ci un tableau comparatif de l’activité des brigades. Une synthèse mensuelle est remise au commissaire d’arrondissement. Si les questions relatives à la sécurité routière sont au centre de ces revues mensuelles, elles sont écartées des présentations hebdomadaires au Préfet. Une des raisons avancées serait ce décalage temporel qui ne permettrait pas d’en faire un outil de management au niveau préfectoral.


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